Wilhem Latchoumia pose ses doigts de fée sur la Cendrillon de Prokofiev. Avec une ironie revigorante.
A Sergueï Prokofiev (1891-1953), la Cendrillon de Charles Perrault a d’abord inspiré un ballet tout ce qu’il y a de plus orchestral, puis trois suites symphoniques. Entre les deux, le compositeur a produit trois cycles d’arrangements pour le piano, regroupés sans logique particulière. En s’emparant de cette version, le pianiste Wilhem Latchoumia a commencé par remettre les pièces dans l’ordre du ballet, retrouvant ainsi le fil narratif d’un conte que Prokofiev a fidèlement adapté. Tout juste s’est-il permis de le lester d’une douce ironie, d’accorder de piquantes assistantes (les fées des saisons) à la marraine de Cendrillon… et de faire danser le plus possible des personnages joliment typés. Une Gavotte sautillante tient lieu d’ouverture, suivie d’une Querelle dont la polyphonie semble dépasser les possibilités offertes par le clavier. Il y aura, bien sûr, une valse pour célébrer la rencontre du prince et de Cendrillon. Et d’autres épisodes, empruntant à toutes les époques de l’histoire de la musique.
Wilhem Latchoumia a-t-il bénéficié de l’enchantement des fées ? Il passe d’un style à l’autre, peaufine les personnalités des protagonistes, use sans en abuser des capacités percussives du piano, crée des atmosphères changeantes au cœur même des pièces, fait des pointes sur les touches, ou cherche le son dans le fond du clavier… Il insère par ailleurs, entre les trois tableaux de Cendrillon , quatre pièces de l’Américain Henry Cowell (1897-1965), amateur d’expérimentations sonores impliquant des usages inhabituels du piano. Cette collision de deux univers fort différents rythme les principaux événements du conte, tout en l’enrichissant d’autres dimensions. Féeriques dans The Fairy Bells, horrifiques dans Banshee, tout en sombres résonances et glapissements.