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WILHEM LATCHOUMIA

Le premier ouvrage majeur de Falla sera dédié à l’instrument en noir et blanc. Les

Cuatro piezas españolas

- un titre simplement indicatif plutôt qu’un manifeste à

caractère nationaliste - peuvent être regardées comme la coda de l’

Iberia

d’Albéniz.

Falla les acheva à Paris, après qu’Albeniz lui a divulgué quelques pièces des premiers

cahiers d’

Iberia

. Cette révélation lui fait sortir de ses cartons deux pièces déjà

totalement écrites à Madrid en 1906,

Aragonesa

et

Cubana

- il va les repolir - et lui

procure l’impulsion pour deux autres :

Montañesa

puis

Andaluza

qu’il écrira dans la

foulée, au cours du mois de février.

Dès 1906

Aragonesa

avait été inspirée par les

Recuerdos de viaje

d’Albéniz. Si les

thèmes d’

Aragonesa

sont d’un folklore imaginaire, celui de la

Cubana

est la citation

d’une véritable « guajira », une musique de la Caraïbe comme celles qu’avait

popularisées Gottschalk. Le chef-d’œuvre du recueil, et l’un des chefs-d’œuvre tout

court de Falla, demeure

Montañesa

, sous-titrée « Paysage ». Elle répond note pour

note à la grande pièce impressionniste écrite par Albéniz avant

Iberia

,

La Vega

. Jeux

de cloches, spatialisation des timbres, un espace poétique dévoile un paysage tout

en subtilité que divertit bientôt une petite chanson ironique - en fait la citation

d’un couplet anticlérical ! - rapidement effacée sur l’horizon harmonique.

Andaluza

affirme avec son ardeur rythmique le caractère d’un vrai final. Elle évoque et stylise

à la fois le

Cante Jondo

, donne à voir une danseuse, à entendre un

cantaor

et surtout

propose un vocabulaire harmonique novateur. Ricardo Viñes créera les quatre

pièces le 27mars 1909 à la Salle Erard. Elles rapportèrent au compositeur un contrat

avec l’éditeur Durand, à qui le recommandèrent rien moins que Dukas, Debussy et

Ravel, tous conquis par les splendeurs du cahier comme par la discrète modestie

de son auteur.