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16 CHOPIN_POLONIA

Vous avez travaillé avec György Cziffra et Lazar Berman, deux pianistes

qui sont des lisztiens mais ont aussi abordé Chopin, que vous ont-ils

appris sur le compositeur des

Polonaises

?

Avec Cziffra on était transporté d’abord et avant tout par un flot d’émotions. Il

ne parlait pas beaucoup en cours, alors on l’écoutait et on l’imitait même, ce qui

est d’ailleurs très bien lorsque l’on est enfant, car on prend tout et on élague peu

à peu. Il n’y avait aucune entrave à la liberté, on avait le sentiment d’être traversé

par Chopin comme d’ailleurs Cziffra l’était lui-même. Cettemanière d’enseigner qui

était très loin de tout ce que je pouvais recevoir en même temps au Conservatoire,

particulièrement complémentaire, s’est avérée pour moi essentielle. Tout était

toujours possible. Nous travaillions d’une certaine manière un jour et le lendemain

nous faisions les choses très différemment, nous faisions confiance à l’intuition, au

moment présent, les œuvres avouaient ainsi toute leur complexité, leurs richesses,

la musique n’était jamais identique.

Pour ce qui est de Lazar Berman ce fut tout autre chose. J’ai étudié très peu avec lui,

le temps d’un stage. Je me souviens qu’il parlait beaucoup du son, de la profondeur

et de l’élan de la sonorité, il détestait ces pianistes qui jouent toujours mezzo-

forte. Il voulait des contrastes, de la vie, cela m’a aidé à outrepasser l’image d’un

Chopin trop mesuré, son enregistrement des

Polonaises

possède des qualités quasi

orchestrales.