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et n’est qu’une petite parenthèse dans l’infini. De plus en plus, j’éprouve cette

sensation de l’éphémère chez Debussy.

Comment concevez-vous les

Préludes

; la relation entre le 1

er

et le

2

e

Livre ?

(1)

P. B.

: Il s’agit pour moi d’une véritable somme, même si un pas est franchi entre

les deux Livres. C’est d’ailleurs un peu la même chose avec les

Images

dont la 2

ème

série va plus loin que la 1ère dans la recherche d’une liberté totale du son, dans

ces trouvailles extraordinaires sur le timbre. Après la parenthèse des

Children’s

Corner

, les

Préludes

représentent véritablement pour moi la quintessence de l’art

debussyste. La concision y est primordiale et ils offrent une fabuleuse variété : on

y trouve des pièces d’atmosphère, des pièces très lentes, très méditatives, d’autres

résolument humoristiques. Certains morceaux procurent le sentiment d’un retour

en arrière, je pense à

La fille aux cheveux de lin

ou à

Bruyères

, avec leur langage un

peu archaïsant ; d’autres sont tournés vers le futur et vont très loin :

Brouillards,

Les fées sont d’exquises danseuses, Feux d’artifice

ou encore

Les tierces alternées

où se

profilent les

Etudes

. Le Livre II des

Préludes

reprend le travail expérimental de la Série

II des

Images

et va encore plus loin dans ce sens que le Livre I, moins abstrait, plus

accessible – et qui a d’ailleurs toujours eu la faveur du public. Au sein du Livre II,

je ferai une mention particulière pour

Canope

. Cette pièce est pour moi l’une des

plus belles choses de toute la musique ; une méditation sur la mort peut-être, sur

la vanité très certainement. Lorsqu’elle s’achève, on a l’impression que tout est

dit ; la musique n’a plus besoin de « prétexte » et Debussy se lance dans une page

purement abstraite :

Les tierces alternées

. Suivent les

Feux d’artifice

qui concluent

l’aventure des

Préludes

sur une pièce assez brillante, a-tonale – car on serait bien en

peine de dire dans quelle tonalité elle est – où l’on décèle une jubilation dans l’usage

des ressources pianistiques mises à sa disposition.

PHILIPPE BIANCONI 9