

12 ROBERT SCHUMANN
Revenons aux masques, aux oppositions de caractères. Comment les
ressentez-vous dans l’Opus 9 ?
Le
Carnaval
offre une extraordinaire galerie de portraits : la commedia dell’arte
avec
Pierrot
et
Arlequin
,
Pantalon
et
Colombine
, des personnages réels tels que
Chopin
et
Paganini
, mais aussi Clara et Ernestine, qui deviennent
Chiarina
et
Estrella
. On
pourrait finalement imaginer que tous ces personnages sont des masques derrière
lesquels se cache Schumann. Et surtout, dans le
Carnaval
, on fait connaissance avec
ces deux alter ego du musicien que sont
Eusebius
et
Florestan
- aux personnages de
Jean-Paul,Walt et Vult, succèdent les propres créatures de Schumann.
Eusebius
fait
entendre une merveilleuse méditation lyrique, tandis que
Florestan
nous apparaît
dans une agitation haletante presque chaotique, et un peu déstabilisante. C’est
dans ce morceau aussi que Schumann écrit «
Papillons ?
» et fait entendre un
fragment du thème de Vult que l’on entend au début et à la fin des
Papillons
.
Outre
Eusebius
et
Florestan
, on trouve au fil du
Carnaval
d’autres duos contrastés :
Pierrot
, déprimé, obsessionnel, presque pathologique – une pièce qui m’a toujours
procuré une sensation de malaise avec cette petite cellule rythmique de trois notes
qui vient interrompre la phrase de façon assez intempestive – et
Arlequin
, joyeux et
pétillant. Je vois aussi avec
Chiarina
et
Estrella
, les deux femmes aimées, une sorte
de double féminin enserrant la pièce
Chopin
, auquel Schumann s’identifie peut-être
un instant…