LDV98-9

7 FRANÇOIS-FRÉDÉRIC GUY Chopin invente un langage nouveau, une manière d’exprimer le sentiment musical, dans des formes nouvelles comme le nocturne et la ballade, se consacrant plus souvent aux formes assez brèves et employant, de manière détournée, les folklores alors que sa musique n’est « que » pure. La plus pure qui soit aux côtés de celle de Mozart. Elle fait donc peur car la moindre scorie l’atteint. La quête de la perfection serait-elle de ce monde ? Disons que l’un des paradoxes de l’œuvre de Chopin est qu’il ait été écrit avec une extrême précision, alors qu’il appartient à la période qui révèle au grand jour les sentiments humains. Le « je » employé par les romantiques – en lieu et place du « nous » et du « vous » de l’époque classique – est bien différent du « je » beethovénien. Le musicien viennois porte, tel un dieu prométhéen forgeant la matière, le classicisme vers le romantisme. Chopin apparaît, à l’inverse, comme un « romantique-classique ». La rigueur de son écriture – la rigueur ne s’opposant pas à l’expression de la fantaisie, mais aussi de la Phantasie allemande, c’est- à-dire à l’imaginaire – la clarté du contrepoint, l’annotation de la pédale d’une justesse inouïe, la manière de faire respirer l’instrument, tout cela au service du cantabile, est inédit dans l’histoire de la musique.

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