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DAVID GRIMAL ∙ LES DISSONANCES 7 Il y a donc plusieurs visages dans sa musique ? Il y a en effet selonmoi deux aspects principaux : lematériau populaire d’une part, et d’autre part sa transformation à travers un langage qui fait appel à de nombreuses techniques d’écriture, dans le prolongement de ses études françaises. Ces œuvres d’une densité et d’une complexité parfois extrêmes exigent un véritable effort tant de la part du public que des interprètes, qui se doivent de les jouer d’une manière claire et lisible. Enescu se laisse parfois emporter par l’ivresse de l’écriture et les interprètes doivent être capables de hiérarchiser les informations sous peine de noyade collective ! Nadia Boulanger avait fait cette remarque à propos de la Première Sonate . Elle trouvait que servie par de mauvais musiciens, elle sonnait comme une musique où il y avait trop de notes, alors que si « dans l’infinité un peu surchargée de voix et de nuances, on sait dégager la ligne essentielle (et pour cela il faut être créateur), alors la sonate s’éclaircit ». Nadia Boulanger exprime très clairement la problématique de la musique d’Enescu. Elle demande du cœur, du lyrisme, mais aussi beaucoup de transparence. C’est une musique sensuelle et intellectuelle. Il faut être précis et elliptique à la fois, saisir les détails et ne pas s’y perdre, être attentif à la lettre sans jamais laisser s’échapper le souffle de l’esprit.
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