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11 Si la biographie de Schubert nous offre quelques clés d’écoute quant à la compréhension de sa musique, comment caractériseriez vous l’esthétique sonore du musicien, au cœur du romantisme viennois ? L’univers schubertien me paraît comme tendu entre deux piliers : Joseph Haydn et Anton Bruckner. Prenez la Sonate « Reliquie », en Ut majeur. Le second mouvement s’inscrit dans le prolongement des Variations en Fa mineur de Haydn dont l’écriture savante me paraît souvent plus riche que celle de Mozart, du moins dans le répertoire pour le piano seul. Un jeu de variations opposées, en modes mineur et majeur, un climat d’une tristesse effroyable et, par contraste, une luminosité angélique se déploient dans cette Sonate en Ut majeur de Schubert. Si l’on écoute, à présent, le mouvement lent de la Sonate en Si bémol majeur de 1828, nous voici devant une marche funèbre, figée brusquement dans la prière. À mes yeux, dans l'Andantino de la Sonate D.959, le Viennois est allé plus « loin » encore que Chopin dans le finale quasi-atonal de sa Sonate en Si bémol mineur, composée une décennie plus tard. Non point seulement en termes de langage, mais de violence expressive. Est-ce que Chopin a eu connaissance de certaines pages de Schubert ? J’avais posé la question à Paul Badura-Skoda. Aucune certitude à ce sujet. JEAN-MARC LUISADA

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