LDV72
PHILIPPE CASSARD 9 Le Lied débordant d’énergie Auf der Bruck D.853 (Sur la Bruck, poésie que Schulze écrit assis en haut de la colline Bruck dominant Göttingen) semble se faire l’écho des descriptions de Schubert. « Je pourrais, par monts et par vaux / Jouir du spectacle du monde / Et y prendre un très grand plaisir. » Musiques de villages, clarines des vaches dans les alpages, transcription littérale du yodel (le deuxième thème du premier mouvement Allegro alla breve !), danses paysannes, chants des bergers, carillons, mandolines, harmonicas, sonneries de cors de chasse et roulements de tambours, cloches des églises lancées à toute volée : la « bande-son » de cette sonate est à elle seule une expérience sensorielle jubilatoire, unique chez Schubert. Le compositeur, lui, ordonne son premier mouvement en une course frénétique qui se termine dans l’essoufflement de la joie et de la liberté éprouvées. Le chant le plus intime et apaisé, dans le Con moto , se conjugue avec la vision de ces montagnes intimidantes : lamuraille de l’Untersberg est toute entière décrite dans cette prodigieuse succession d’accords répétés fortississimo (FFF) en Ut majeur, le ton de Jupiter ! Et le Rondo marque le retour à Vienne, la calèche brinquebalante, les souvenirs heureux, les bouts de mélodies glanées dans les villages qu’on se rechante ou siffle pour soi-même. Le Wanderer, sur les dernières notes pianissimo , pose ses bagages. Exactement comme nous l’entendons aussi dans le « Abschied » du Schwanengesang (Le Chant du Cygne) : « Tu ne m’as encore jamais vu triste / Aussi ne le serai-je pas au moment de l’adieu ».
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