LDV72
PHILIPPE CASSARD 7 Pour sa Première Grande Sonate (sic) éditée alors qu’il en a déjà composé quinze, Schubert déploie l’orchestre dans son piano. Il faut remonter à la Wanderer Fantasie de 1822 pour retrouver cette puissance, ce sens des registrations – par exemple l’emploi simultané des extrêmes graves et des extrêmes aigus. Le deuxième mouvement en variations, viennois en diable par sa pulsation dansante et son Ut majeur lumineux, annonce l’ Impromptu D.935 n°3 de 1828. On retiendra la troisième, en Ut mineur, avec ses accords qui semblent tordus de douleur par leurs appoggiatures, et la dernière, long ruban d’accords répétés qui évoquent ceux du chœur avec ténor Nachthelle D.892 (Clarté de la nuit) et où résonne, au lointain dans la nuit étoilée, un quatuor de cors. Le Scherzo , en noir et blanc, est transpercé d’accents rageurs, alors que son Trio , à l’inverse, marque une pause de rêverie extraordinaire, très Europe centrale dans ses enchaînements harmoniques. Le Rondo final, souvent comparé à celui que Mozart écrivit pour sa Sonate K.310 dans la même tonalité de La mineur, est encore plus fuyant, plus inquiet, traversé d’éclats mordants où Schubert retrouve son motif rythmique favori, une longue / deux brèves. L’accelerando conclusif dévastateur prend l’auditeur de court et le laisse groggy.
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