Dans le premier mouvement du magistral opus 130, les musiciens sont animés par la même conviction qui produit en passant un petit miracle – comme dans le gamelan javanais, les ralentis et les accélérations collectives se font avec l’unanimité d’un seul, parce qu’elles se tendent ou se détendent autour d’un fil invisible – cette pulsation qui organise tout, qui guide et autorise en même temps une véritable liberté, parce que celle-ci n’est pas fondée sur des ressentis personnels plus ou moins subjectifs, mais sur le sentiment intérieur d’une nécessité, et sur l’humilité d’obéir à un élan impérieux que la musique elle-même impose. La musique et pas notre goût, notre regard, nos petits ou grands malheurs. C’est par ce refus de sensiblerie surannée que paradoxalement les musiciens parviennent à nous toucher vraiment, à partager avec nous l’ampleur de ce geste compositionnel, la vraie nouveauté arrachée au difficile rocher des banalités antérieures. Ils ne surjouent pas ce qui ne doit pas être surjoué, mais ils donnent du sens aux éléments répétés, par exemple en introduisant une hiérarchie différente dans le poids des accents. Cela permet d’entrevoir de longues phrases, de considérer les répétitions non pas comme des redites, mais des grands arcs qui construisent la forme. 19 QUATUOR YSAŸE
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