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JEAN-PHILIPPE COLLARD 11 L’œuvre de Rachmaninov est au cœur de votre répertoire. Pourquoi y revenez-vous régulièrement ? J’ai toujours aimé Rachmaninov pour l’immédiateté de sa musique. Elle est proche du cœur, d’une incroyable évidence. C’est probablement parce que Rachmaninov avait lui-même envie de se confier à son instrument : il a parlé avec son cœur et son cœur est resté sur le clavier. Pourtant, au-delà de sa beauté et de l’émotion immédiate qu’elle procure, la musique de Rachmaninov est également un espace de réflexion. On y trouve des considérations très sombres sur l’existence. Après tout, Rachmaninov a connu l’exil. L’artiste a quitté sa Russie natale qui l’inspirait, mais il n’a pas oublié d’emporter son âme ! Pour un pianiste, Rachmaninov est particulièrement attachant. Tout d’abord parce qu’il était lui-même pianiste – on dit qu’il avait de grandes mains, comme moi –, il savait donc exactement où poser les doigts et il en utilisait toutes les ressources. Mais si je reviens toujours à Rachmaninov, c’est surtout à cause de sa manière de faire sonner le piano. Avant lui, on n’avait jamais entendu un piano aussi orchestral, aussi surdimensionné. Il crée une forme d’ivresse, à la fois musicale et technique, une véritable jouissance. S’il y a un compositeur que j’aurais aimé rencontrer, c’est bien Rachmaninov. J’aurais aimé le voir jouer et entendre la puissance de son jeu. Il avait ce don d’écrire une musique qui vous touche immédiatement et, par ses prouesses techniques et sa puissance sonore, d’en faire une œuvre de très grande dimension. Comment résister à cela ?
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