LDV38.1

13 CÉDRIC PESCIA Précisément, ressentez-vous une part d’improvisation dans son écriture ? À l’évidence, elle est essentielle. Je suis certain que certains préludes ont été composés très rapidement… Qui sait, quelques dizaines de minutes peut- être ! Il n’avait pas le temps de s’attarder. Son écriture sans rature n’exprime aucun doute à ce sujet. Percevez-vous une évolution dans l’écriture de Bach entre les Premier et Second Livres, mais aussi au sein même des deux grands cycles ? Dans le Premier Livre, l’unité de l’ensembleme paraît avérée. Bach prenait ses fonctions à Leipzig et il avait probablement besoin demontrer qu’il maîtrisait son art à la perfection. Le Premier Prélude en Do majeur , le plus célèbre de tous, est emblématique : il s’agit d’un accompagnement sans mélodie. À l’opposé de ce prélude, la dernière fugue du volume, celle en Si mineur, est à mes yeux la plus émouvante et sa mélodie une des plus belles qu’il ait composées. L’interprète passe ainsi de l’univers le plus épuré, résolument diatonique, à un moment d’un raffinement chromatique inouï. Ce contraste saisissant d’écriture ne se reproduit pas dans le Second Livre dont la gestation a été beaucoup plus longue. On y perçoit moins la dimension démonstrative. Dans la Fugue en Fa majeur , par exemple, le thème n’apparaît pas pendant cinq lignes, ce que Bach n’aurait probablement jamais fait dans le Premier Livre. Avec le temps, il s’autorise des licences.

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