LDV38.1
11 CÉDRIC PESCIA Son écriture repose avant tout sur la vocalité et la danse… En effet ! En cela Bach est fidèle aux deux formes immémoriales et à l’origine de toute musique, qui sont le chant et le mouvement du corps dans l’espace. Au fil des préludes et fugues, le compositeur développe l’art du chant sous ses diverses formes : monodie devenant polyphonie (c’est le cas de chacune des fugues), chorals, arias accompagnés, duos et récitatifs. C’est un acte d’une incroyable générosité. J’ai, en effet, l’impression que Bach cherche à « étreindre » l’Humanité et à la faire chanter ! D’un autre côté, de nombreux préludes (et même certaines fugues) s’apparentent à des formes de danses en vogue à l’époque de Bach (ou déjà déclinantes, voire même désuètes). Il suffit de lire ses manuscrits : il est incapable d’écrire une ligne droite ! Sous sa plume, le moindre lié sur un groupe de doubles croches « danse ». La projection du trait est irrépressible. Son écriture, d’une très grande beauté sur le plan de la calligraphie est une véritable chorégraphie, qui révèle, par la souplesse du geste, une élégance et une force, une variété infinie de respirations. Interpréter Bach de manière mécanique serait, par conséquent, un contresens. Au-delà de ces deux éléments « fondateurs », voix et danse, il y en a naturellement de nombreux autres : le jeu intellectuel, voire mathématique, présent essentiellement dans les fugues ; les préoccupations d’ordre religieux ou spirituel ; la notion de rhétorique voire de théâtralité ; la création d’un cosmos harmonique complet où les 24 tonalités sont représentées, chacune avec son affect propre, sans oublier le chromatisme, voire certaines allusions à des modes antiques. Ajoutons aussi la virtuosité instrumentale et l’aspect pédagogique.
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