11 JEAN-PHILIPPE COLLARD Busoni est-il fidèle à l’esprit baroque ? Pour moi ce sont deux approches totalement différentes. Je n’y ai même pas pensé et ça ne m’intéresse pas. Il n’y a pas de concordance entre le développement pour le piano de ces grandes œuvres et le style baroque. Il y a peut-être dans cette traduction de Busoni un genre de laisser-passer inattaquable vers les instruments modernes. On ne souffre pas une seule seconde de la modernité du piano d’aujourd’hui. La première fois que j’ai entendu la Toccata en Ut, c’était Cziffra. J’ai eu un choc. Je pense à Bach qui prend sa plume et qui écrit « do-mi-sol-si-fa », puis les soupirs. Les bras en tombent quand même ! Est-ce qu’il pourrait s’agir ici d’une sorte de point d’orgue de votre discographie ? Je surmonte difficilement l’émotion que j’ai eue et que j’ai encore avec cette musique. Le plaisir du pianiste, de fabricant du son, s’est tellement épanoui en moi que c’est un peu une boucle qui se referme. Je n’ai plus de voie d’accès. J’ai essayé de travailler un peu de Schubert après Bach, en me disant qu’après tout, ça pourrait être aussi la fin après la fin. Mais je n’arrive pas à le positionner comme ça. Ce programme fait partie de l’accomplissement de mon savoir pianistique. C’est un étage supplémentaire. Qu’est-ce que je pourrais aller chercher d’autre ?
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