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FAURÉ THÉO FOUCHENNERET NOCTURNES

Gabriel Fauré 1845-1924 Théo Fouchenneret piano, Klavier

Nocturne n°1 en Mi bémol mineur / E flat minor / es-Moll, op.33/1 6'21 Nocturne n°2 en Si majeur / B major / H-Dur, op.33/2 5'13 Nocturne n°3 en La bémol majeur / A flat major / As-Dur, op.33/3 5'01 Nocturne n°4 en Mi bémol majeur / E flat major / Es-Dur, op.36 6'46 Nocturne n°5 en Si bémol majeur / B flat major / B-Dur, op.37 7'59 Nocturne n°6 en Ré bémol majeur / D flat major / Des-Dur, op.63 7'30 Nocturne n°7 en Ut dièse mineur / C sharp minor / cis-Moll, op.74 7'55 Nocturne n°8 en Ré bémol majeur / D flat major / Des-Dur, op.84/8 2'18 Nocturne n°9 en Si mineur / B minor / h-Moll, op.97 3'35 Nocturne n°10 en Mi mineur / E minor / e-Moll, op.99 4'58 Nocturne n°11 en Fa dièse mineur / F sharp minor / fis-Moll, op.104/1 4'04 Nocturne n°12 en Mi mineur / E minor / e-Moll, op.107 5'26 Nocturne n°13 en Si mineur / B minor / h-Moll, op.119 6'56 TT’: 74'41 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 1

Deux compositeurs ont donné leurs lettres de noblesse au nocturne pour piano : Frédéric Chopin, et un demisiècle plus tard, Gabriel Fauré. La forme inventée par John Field évoque l’atmosphère de la nuit prisée des romantiques. Lorsque l’auteur de Clair de lune et Diane, Séléné l’adopte, s’éloigne cette référence qui laisse alors cours à un imaginaire poétique vierge de toute évocation. Le nocturne fauréen ne s’expose pas pour autant au grand jour, mais répand la lueur de son troublant onirisme. Des premiers au charme ineffable, aux plus tardifs, sombres et dépouillés, souvent traversés de passion, les Nocturnes n’ont de finalité que le « vaste et tendre apaisement »*, telle la vespérale quiétude. Avec Théo Fouchenneret, nous entrons dans la profondeur et le raffinement de leur univers.

3 THÉO FOUCHENNERET Il y a cent ans s’éteignait Gabriel Fauré. Nous voici, en 2024, dans une année de commémoration. En quoi est-elle importante pour vous ? Théo Fouchenneret : La musique de Gabriel Fauré a été à la source de mes premières émotions musicales et de mes premiers désirs d’interprète. Enfant, je rêvais de déchiffrer ses mélodies avec mon grand frère, le violoniste Pierre Fouchenneret. J’ai commencé très tôt à travailler les Nocturnes. Le Troisième était au programme de mon tout premier concert parisien. J’étais déjà tellement fou de sa musique qu’à l’âge de dix-sept ans, j’ai décidé de me présenter au Concours International Gabriel Fauré de Pamiers, sa ville natale. J’ai remporté le Premier Prix, décerné par un jury présidé par Jean-Philippe Collard, grand interprète du compositeur ariégeois. Les épreuves du concours m’ont offert une occasion exceptionnelle d’assouvir ma passion pour sa musique. Fêter l’anniversaire de sa disparition cette année est une nouvelle opportunité que je n’aurais manquée pour rien au monde !

4 FAURÉ ∙ NOCTURNES Vous avez consacré votre premier enregistrement en solo à Beethoven. Pourquoi alors avoir fait attendre Fauré ? J’ai aussi un lien très fort avec la musique de Beethoven. Plus nettement structuré, son langage clair, direct m’a semblé mieux convenir à un premier disque. Il en est tout autrement de celui de Fauré où rien n’est jamais vraiment résolu. C’est une musique de paradoxes. Le compositeur y entretient une forme d’équivoque. Elle nécessite une gestation longue, impose une temporalité particulière dans laquelle l’interprète se doit d’entrer pour parvenir à fixer sa vision. Insaisissable, elle nous confronte à cette difficulté lors de l’enregistrement. Comment définiriez-vous ces paradoxes ? Il est difficile de trouver les mots pour traduire ce que la musique de Fauré exprime. Pour Vladimir Jankélévitch, elle s’adresse à l’oreille, elle n’est pas une calligraphie projetée dans l’espace. Je l’éprouve par la sensation. L’entrecroisement de ses lignes, ses phrases immenses offrent une pluralité de chemins. Au moment où on la joue, ou celui où on l’écoute, on perçoit ces voies possibles. Le compositeur semble proposer un choix, mais en réalité il a déjà défini une direction, et nous conduit sur une voie imprévisible. C’est ce qui rend sa musique addictive ! Ce paradoxe qui mêle intimement harmonie et mélodie sous-tend son discours. C’est une musique dont on est le héros !

5 THÉO FOUCHENNERET Le héros ?… Cette musique place l’interprète dans une situation de quête initiatique. Le chemin pour trouver ce vers quoi va Fauré peut être très long. Son écriture me fait penser à celle de Marcel Proust. Dans ses méandres, on finit par perdre pied et on se met à penser à la première personne, comme si cette musique naissait de notre propre esprit, du mouvement de nos pensées. Préludes, Impromptus, Barcarolles, Nocturnes… Fauré prend-il Chopin pour modèle ? Il est vrai que les titres de ses œuvres pianistiques incitent fortement à le penser. La réalité est autre. Fauré leur attachait peu d’importance, et, comme le rapporte son fils Philippe Fauré-Fremiet, il aurait plutôt souhaité le principe de neutralité par la simple numérotation des pièces, se rapprochant ainsi davantage de Schumann et de ses « Klavierstücke » que de Chopin. Les titres de genre comme le nocturne venaient souvent de la demande de ses éditeurs qui souhaitaient une formulation à résonance poétique et romantique pour attirer l’acquéreur de partitions. Julien Hamelle, son premier éditeur, avait ainsi pris l’initiative de rebaptiser la dernière des Pièces brèves op.84, devenue le Huitième Nocturne.

6 FAURÉ ∙ NOCTURNES Que doivent au romantisme ces Nocturnes composés en grande partie à la fin du dix-neuvième siècle ? On rencontre dans certains des Nocturnes une digitalité apparentée à celle de Chopin. Je pense aux tout premiers mais aussi aux réminiscences romantiques du centre du Cinquième Nocturne, et au souffle lyrique du passage « Allegro » du Septième Nocturne. Cependant l’influence germanique, celle de Schumann, est selon moi davantage perceptible. Au début du Sixième Nocturne, l’ambivalence binaire-ternaire ne rappelle-t-elle pas l’écriture schumannienne ? Son usage récurrent de la syncope, du contre-temps également ! Fauré et Schumann ont pour moi la faculté de faire oublier le temps qui passe. L’un et l’autre ont une façon comparable de suspendre le temps dans l’instant. La composition des Nocturnes s’étale sur près d’un demi-siècle. Ils ont traversé la jeunesse, puis la maturité et enfin l’extrême vieillesse de Gabriel Fauré. Le Premier date de 1875. Le Treizième, son ultime pièce pour piano, de 1921. Dans la même temporalité, il écrit ses treize Barcarolles. Y a-t-il une parenté, un lien entre ces pièces ? Les Nocturnes et les Barcarolles peuvent apparaître comme des doubles. La composition d’une barcarolle suit souvent de près celle d’un nocturne, ou viceversa. Il y a cependant assez peu de distinction de genre entre ces pièces. La Première Barcarolle aurait pu porter le titre de nocturne, et le Douzième Nocturne par le rythme chaloupé de son écriture ternaire aurait pu trouver sa place parmi les Barcarolles, tout comme le Quatrième.

De quelles évolutions stylistique et expressive témoignent-ils ? L’évolution de l’écriture de Fauré est une des plus belles que je connaisse dans l’histoire de la musique. Dans leurs demi-teintes, les premiers Nocturnes ont ce charme, cette séduction, cette suavité dont Fauré se détache par la suite pour aller vers l’ascèse, l’épure et l’âpreté, mais aussi la densité extrême des derniers Nocturnes. Il s’écoule dix ans entre le Cinquième Nocturne et le Sixième sans qu’il compose pour le piano seul. Les Sixième et Septième Nocturnes marquent la croisée des chemins, ouvrent vers d’autres perspectives plus austères, plus sombres. Qu’est-ce qui explique cette évolution selon vous ? Principalement sa surdité qui survient en 1902, année de la composition du Huitième Nocturne, et qui va s’aggraver, privant Fauré de l’audition correcte des fréquences extrêmes. Le début du Treizième Nocturne est écrit dans un registre médium très resserré, contenu quasiment dans une octave. Une écriture compacte similaire à celle du quatuor à cordes. Si dans son intériorité la musique de Fauré est évasive par pudeur, si la plupart du temps elle laisse planer un sentiment indéfinissable, le désespoir, dans le Neuvième Nocturne, a raison de l’inexprimable et pointe dans l’écriture du Dixième Nocturne qui perd de son lyrisme, de sa fluidité, se développant dans la lenteur, parfois dans la lutte. Le contexte de la première Guerre mondiale a aussi porté sa part d’ombre sur les trois derniers Nocturnes. 7 THÉO FOUCHENNERET

8 FAURÉ ∙ NOCTURNES Le Onzième Nocturne est à ce titre très particulier… Son ton est élégiaque. Fauré l’a dédié à la mémoire de Noémi Lalo, la jeune épouse du critique Pierre Lalo décédée prématurément. Sa tonalité peu commune lui donne sa couleur tragique. Son écriture sobre, hiératique, laissant place aux silences, révèle une émotion contenue et intense. Remontons le cours et revenons au Septième Nocturne à la sombre tonalité de Do dièse mineur : il semble annoncer le dépouillement à venir… Il est quasi funèbre. Par son rythme douloureux, son début me fait penser à une procession. Peu mélodique, il est traversé par la résignation, puis la colère, le déchirement. Après un épisode lyrique empruntant au romantisme, son atmosphère sombre et pesante s’allège dans la coda par la magie de l’enharmonie, un procédé typiquement fauréen : la tonalité de Do dièse mineur se mue en Ré bémol majeur, l’âpreté laissant place à la douceur et la consolation par ce génial tour de passe-passe.

9 THÉO FOUCHENNERET Ré bémol majeur : le ton nocturne fauréen par excellence ! C’est aussi la tonalité des Nocturnes 6 et 8 ! Dans cette continuité tonale, le Huitième importé des Pièces brèves trouve parfaitement sa place. Par sa fluidité, sa simplicité et son balancement de barcarolle, il apporte un répit, une respiration salutaire après le Septième et s’articule merveilleusement avec la tonalité voisine du Neuvième. Cette tonalité de Ré bémol majeur est celle du demi-jour fauréen. Le compositeur emploie les tonalités en bémols pour donner cette luminosité particulière à la plupart de ses premiers Nocturnes. Le Deuxième Nocturne en Si majeur fait figure d’exception : son centre aride en forme de toccata contraste avec son début et sa fin d’une clarté rayonnante. Sa forme préfigure celles des grands Nocturnes à venir. A partir du Neuvième Nocturne, l’atmosphère s’assombrit, change radicalement, cette fois dans le mode mineur et des tonalités diésées.

10 FAURÉ ∙ NOCTURNES Le lyrisme, la nonchalante sensualité, la poésie raffinée des premiers Nocturnes, ou le dépouillement, l’austérité, la profondeur des derniers : où va votre préférence en tant qu’interprète ? Je les aime tous, j’aime surtout les jouer dans leur succession, les considérer comme un cycle. Ils racontent un voyage, le cheminement d’une vie intérieure. Et cependant chacun d’eux est unique. Si je suis particulièrement attaché aux derniers qui n’ont pas la séduction des premiers, les Troisième et Quatrième sont mes madeleines de Proust. Le Quatrième est réconfortant : tout en clair-obscur, il s’en dégage un sentiment de bonheur. Le Cinquième, le préféré du compositeur, est exceptionnel : on l’envisage souvent dans sa suavité, son charme, alors qu’il contient aussi cette déchirante âpreté qui annonce le Treizième. Il a cette étrangeté désarmante, cette poésie fuyante qui caractérisent cet entre-deux typiquement fauréen, et exhale cette troublante sensualité qu’ont aussi les Sixième et Huitième. Son centre très enflammé est le passage le plus virtuose rencontré dans les Nocturnes. Quant au Sixième, il est extraordinaire par la maîtrise et l’originalité de son écriture, par son équilibre.

En quoi réside l’originalité de ce Sixième Nocturne et comment l’abordez-vous ? C’est une musique en trompe-l’œil. Une musique qui ne connait pas la gravité. Elle donne une illusion d’apesanteur. Les plans sonores se tiennent entre eux, comme par magie, se mélangent sans que l’on puisse les séparer. Le passage à trois temps s’entend comme à deux temps. Les repères rythmiques et harmoniques sont perturbés, troublés : les premiers temps des mesures se dérobent, les notions de temps forts et temps faibles s’évanouissent, les angles sont floutés, « l’imprécis passe l’estompe sur le précis » comme le dit encore si justement Jankélévitch ! La mélodie initiale, qui ne commence pas sur un temps fort, est comme un grand fil suspendu. Pour parvenir à soutenir cette musique et unifier ses différentes séquences, j’ai pris le parti d’être au plus près des indications de tempi du compositeur. De même plus loin, l’onirique passage en doubles-croches dans l’aigu du clavier réclame un tempo rapide, la ligne mélodique supérieure « en lévitation » soutenue par une demi-pédale. Lorsque réapparaît le thème initial dans la coda, on éprouve à nouveau cette sensation de suspension. Ce Sixième Nocturne est un chef-d’œuvre. Je ne peux m’empêcher de relater l’anecdote qui lui est attachée : à une dame lui demandant devant quel splendide paysage il en avait trouvé l’inspiration, Fauré avait répondu « dans le Tunnel du Simplon » ! 11 THÉO FOUCHENNERET

12 FAURÉ ∙ NOCTURNES Un trait d’humour et d’humilité qui caractérise sa personnalité. Mais aussi pour lui une manière de signifier que sa musique n’est pas évocatrice, contrairement à celle de Debussy… Elle est en cela comparable à celle de Jean-Sébastien Bach, elle est de la musique pure. Comme sa polyphonie, elle se lit autant qu’elle se joue. Elle n’est pas non plus faite pour les grandes scènes très éclairées. Bach signifie ruisseau en allemand. Il y a dans la musique de Fauré cette idée de flux, de continuité musicale, comme dans l’œuvre du Cantor. Elle contient peu de silences, mais appelle si fortement le silence ! Avec ses rivières de doubles-croches, ses lignes, son contrepoint, elle est pensée horizontalement. Ses étrangetés harmoniques naissent souvent des rencontres fortuites des lignes mélodiques. Des couleurs inattendues surviennent alors, cristallisant son harmonie très spéciale.

Comment appréhendez-vous ce flux typiquement fauréen ? Vers quoi va-t-il ? C’est un flux particulier : Fauré brouille souvent la métrique, dilue les phrases, va au-delà de la barre de mesure comme s’il voulait l’abolir. Il faut toujours aller dans le sens de son cours, que ce soit dans la fluidité, la passion, la lutte, l’apaisement. Le temps fauréen n’est pas mathématique, l’interprète peut s’y égarer. J’ai ressenti cette importance de toujours soutenir l’intensité du chant, la tension contenue dans les phrases d’autant plus grande lorsqu’elles sont lentes et piano. Les moments d’embrasement qui suivent la libèrent, provoquent un afflux d’oxygène. On voudrait rester à leurs sommets, mais il faut redescendre et trouver la quiétude, l’apaisement qu’apportent la plupart des codas. Fauré possède incomparablement cet art de finir. Que ce soit dans l’incandescence du Neuvième qui s’achève en apothéose comme la mélodie de La Bonne Chanson « Avant que tu t’en ailles », dans la sublime coda refermant le Douzième, ou dans le drame poignant et l’ultime souffle de la fin du Treizième Nocturne, dont la coda surpasse pour moi toutes les autres. Vladimir Jankélévitch, Fauré et l’inexprimable, Plon 1974 *Vladimir Jankélévitch, Le Nocturne, Albin Michel, 1957 13 THÉO FOUCHENNERET

15 THÉO FOUCHENNERET Théo Fouchenneret, L'oiseau-poète La musique est le langage de Théo Fouchenneret, celui qui lui vient spontanément lorsqu’il s’agit de parler de lui-même ou de la vie. Son frère Pierre dit d’ailleurs de lui qu’il est un oiseau. Il arrive à ce musicien d’être silencieux à ses heures, de quitter un moment son piano. Non pas que son esprit soit alors occupé par telle contingence matérielle, telle quelconque pensée : la musique l’habite, continue à vivre en lui, prête à jaillir dès qu’il revient au clavier, épanouie, nourrie des bonnes choses de la vie.

Avec Pierre, violoniste de neuf ans son aîné, nait très tôt une complicité : les deux enfants s’entendent pour introduire le « classique » dans l’univers familial qui vibre aux rythmes des musiques actuelles et du jazz. Après des débuts au violon, Théo, admiratif du talent de son frère, ne vise qu’un objectif : jouer avec lui, et pour cela quoi de mieux qu’apprendre le piano ? De leurs tout premiers duos naît sa passion pour la musique de Fauré. Quelques années plus tard il remporte à Pamiers le Premier Prix au Concours International Gabriel Fauré. Il tient son cap, depuis ses débuts au Conservatoire de Nice avec son professeur Christine Gastaud. Exigeante et passionnée, elle l’arme de solides principes qu’il garde toujours à l’esprit aujourd’hui : chérir chaque note, quitter l’une à regret pour aller à la suivante, raconter des histoires, nourrir la flamme… Une année avec Hortense Cartier-Bresson lui ouvre les portes du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris d’où très jeune il sort diplômé. Puis il va à l’essentiel. Les concours, pas question de les collectionner. Deux suffiront, dûment choisis : le Concours International de Musique de Chambre de Lyon et la même année, le Concours de Genève. Deux Premiers Prix assortis de cinq Prix Spéciaux en musique de chambre : Théo peut à présent se consacrer à autre chose. 16 FAURÉ ∙ NOCTURNES

17 THÉO FOUCHENNERET Distingué l’année suivante aux Victoires de la musique classique, il multiplie les récitals et un projet voit le jour : un premier disque à La Dolce Volta rassemble les Sonates « Waldstein » et « Hammerklavier » de Beethoven. Si pour lui ces monuments musicaux ne doivent pas attendre le nombre des années, il faut aussi parfois savoir donner le temps à la musique. Sa soif de répertoire doit composer avec son exigence, celle d’un travail toujours abouti. Les Nocturnes de Fauré à leur tour arrivent au disque, éclos d’une longue couvée. Théo regarde l’avenir : Mendelssohn, et puis plus tard Schubert… Un jour peut-être gravera-t-il Bach dont il admire l’œuvre pour orgue : remonter le temps et arriver à la source de la musique qu’il fréquente aujourd’hui pour, dans le sillon tracé par Murray Perahia et András Schiff, trouver l’évidence du discours, du son, la pureté de l’émotion dans l’expressivité sans affect du contrepoint. Depuis ses premières expériences, la musique de chambre, promesse de riches rencontres et de projets multiples, tient une place constante dans sa vie d’artiste. De Beethoven à Stravinsky, du duo au quintette, il en possède tant, de répertoire ! C’est à Robert Schumann qu’il consacre une première intégrale commencée avec son frère. Béla Bartók fait aussi partie de son panthéon : Hortense Cartier-Bresson lui a transmis sa fascination pour cette musique, la variété de ses émotions, la force de son architecture. Au concert, sa Sonate pour deux pianos et percussions est toujours une aventure exaltante. L’enregistrer ? « Un rêve ! Mais il faut être patient avec cette œuvre… » Pour Théo Fouchenneret, il est des œuvres comme des meilleurs vins de garde.

Two composers gave the nocturne for piano its prestige: Frédéric Chopin and, half a century later, Gabriel Fauré. The form invented by John Field evokes the nocturnal atmosphere favoured by the Romantics. When the composer of such vocal night-pieces as Clair de lune and Diane, Séléné adopted it, this reference became less insistent, giving way to a poetic imaginary universe that no longer evoked any scene in particular. Nevertheless, the Faurean nocturne does not emerge into the blazing light of noon, but diffuses the glow of its unsettling dream world. From the early nocturnes, with their ineffable charm, to the later ones, sombre and bare, often shot through with passion, its only goal is to achieve un vaste et tendre apaisement,1 the tranquillity of evening. With Théo Fouchenneret, we enter this profound, refined universe.

19 THÉO FOUCHENNERET Gabriel Fauré died a hundred years ago. Here we are, in 2024, in a year of commemoration. Why is this important to you? Théo Fouchenneret: The music of Fauré was the source of my first musical emotions and my first interpretative urges. As a child, I dreamt of sightreading his songs with my older brother, the violinist Pierre Fouchenneret. I started practising the nocturnes at a very early age. The Third was on the programme of my very first concert in Paris. I was already so mad about his music that, at the age of seventeen, I decided to enter the Gabriel Fauré International Competition in Pamiers (Ariège), his home town. I won the First Prize, awarded by a jury chaired by Jean-Philippe Collard, a great interpreter of the composer. The competition offered me an exceptional opportunity to satisfy my passion for his music. Celebrating the anniversary of his death this year is another opportunity I wouldn’t have missed for the world!

20 FAURÉ ∙ NOCTURNES All the same, you devoted your first solo recording to Beethoven. Why did you keep Fauré waiting? I also feel a very strong bond with the music of Beethoven. Its structure is easier to grasp, and its clear, direct language seemed to me to be better suited to a first recording. Things are quite different with Fauré’s music, where nothing is ever really resolved. It’s a music of paradoxes, in which Fauré maintains a form of equivocation. It requires a long gestation period, imposing a special temporality into which the performer must enter in order to determine his or her vision of it. This is elusive music, and you’re confronted with that difficulty when you record it. How would you define these paradoxes? It’s hard to find the words to convey what Fauré’s music expresses. For Vladimir Jankélévitch, it is music that addresses the ear, not calligraphy projected into space. I experience it through sensation. Its intersecting lines, its immense phrases offer a plurality of paths. When you play it, or listen to it, you perceive these potential paths. The composer seems to be proposing a choice, but in reality he has already defined a direction, and he’s leading you along an unpredictable route. That’s what makes his music so addictive! This paradox, which blends harmony and melody very closely, underpins his discourse. This is music where you are the hero!

21 THÉO FOUCHENNERET The hero? This music places the performer in the situation of an initiatory quest. It can be a very long road before you find out where Fauré is heading. His writing reminds me of Marcel Proust. As you roam through its twists and turns, you end up losing your bearings and start to think in the first person, as if this music were emerging from your own mind, from the progression of your thoughts. Preludes, impromptus, barcarolles, nocturnes . . . Did Fauré take Chopin as his model? It’s true that the titles of his piano works strongly suggest he did so. But the reality is rather different. Fauré attached little importance to titles and, as his son Philippe Fauré-Fremiet tells us, he would have preferred to follow the principle of neutrality by simply numbering the pieces, thus coming closer to Schumann and his ‘Klavierstücke’ than to Chopin. Generic titles such as ‘nocturne’ were often the result of requests from his publishers, who wanted a poetic, romantic-sounding formulation to attract potential purchasers of sheet music. For instance, his first publisher, Julien Hamelle, took the initiative of renaming the last of the Pièces brèves op.84, which became Nocturne no.8.

22 FAURÉ ∙ NOCTURNES Most of Fauré’s nocturnes were composed at the end of the nineteenth century. What do they owe to Romanticism? Some of the nocturnes have a digital dexterity akin to Chopin. I’m thinking of the very first ones, but also of the reminiscences of Romanticism in the central section of the Fifth Nocturne, and the lyrical breadth of the Allegro passage in the Seventh. In my opinion, however, the Germanic influence, that of Schumann, is more clearly perceptible. At the start of the Sixth Nocturne, does the ambivalence between duple and triple time not remind us of Schumann’s style? His recurrent use of syncopation and offbeats too! For me, Fauré and Schumann have the ability to make us forget the passage of time. Both have a similar way of suspending time in the moment. The composition of the nocturnes spread over almost half a century. They spanned Fauré’s youth, his maturity and finally his extreme old age. The First dates from 1875; the Thirteenth, his last piano piece, was composed in 1921. Over that same period, he wrote his thirteen barcarolles. Is there a kinship, a link between these two types of piece? The nocturnes and the barcarolles can be seen as doubles. Fauré often composed a barcarolle soon after a nocturne, or vice versa. But there’s little generic distinction between the two. The First Barcarolle might have been called a nocturne, while the Twelfth Nocturne, with its swaying triple-time rhythm, could have been included among the barcarolles, as could the Fourth.

What stylistic and expressive developments do they reflect? Fauré’s stylistic development is one of the most admirable I know of in the history of music. In their half-tones, the early nocturnes have the charm, the seduction, the suavity from which Fauré was later to detach himself, moving towards asceticism, purity and severity, but also towards the extreme density of the late nocturnes. Ten years elapsed between the Fifth Nocturne and the Sixth during which he wrote nothing for solo piano. The Sixth and Seventh Nocturnes mark a watershed, opening the way to other, more austere, darker prospects. What do you think explains this evolution? Chiefly the onset of his deafness, which began in 1902, the year he composed the Eighth Nocturne, and grew steadily worse, leaving him unable to hear the extreme frequencies properly. The opening of the Thirteenth Nocturne is written in a very narrow medium register, virtually contained within an octave. This restricted compass is similar to that of the String Quartet. While Fauré’s music, in its interiority, is evasive for reasons of discretion, and generally leaves an indefinable feeling hanging in the air, in the Ninth Nocturne despair gains the upper hand over the inexpressible, and that despair comes to the fore in the style of the Tenth, which loses lyricism and fluidity, developing slowly, sometimes amid a struggle. The context of the First World War also cast its shadow over the last three nocturnes. 23 THÉO FOUCHENNERET

24 FAURÉ ∙ NOCTURNES The Eleventh Nocturne is very special in this respect . . . Its tone is elegiac. Fauré dedicated it to the memory of Noémi Lalo, the young wife of the critic Pierre Lalo, who died before her time. Its unusual key gives it its tragic colour. Its sober, hieratic style, leaving room for silences, reveals a restrained yet intense emotion. Let’s go back in time to Nocturne no.7, in the dark key of C sharp minor: it seems to herald the austerity to come . . . It's almost funereal in mood. The sorrowful rhythm of its opening makes me think of a procession. It contains little in the way of melody, and is suffused with resignation, then anger and heartbreak. After a lyrical episode borrowing from the vocabulary of Romanticism, its sombre, oppressive atmosphere is lightened in the coda by the magic of enharmony, a typically Faurean device: the key of C sharp minor is transformed into D flat major, and the severity yields to gentleness and consolation through this inspired sleight of hand.

25 THÉO FOUCHENNERET D flat major: the key par excellence of the Fauré nocturne! It’s also the key of nos. 6 and 8! The Eighth, imported from the Pièces brèves, fits perfectly into this tonal continuity. With its fluidity, its simplicity and its rocking barcarolle rhythm, it provides a respite, a salutary pause for breath after no.7, and a marvellous link to the related key of no.9. D flat major is the key Fauré chose for the half-light. He used flat keys to give most of his early nocturnes that special kind of luminosity. No.2 in B major is an exception: its arid, toccata-like middle section contrasts with the radiant limpidity of the beginning and the end. Its form prefigures those of the great nocturnes to come. From the Ninth Nocturne onwards, the atmosphere darkens and changes radically, this time moving towards the minor mode and the sharp keys.

26 FAURÉ ∙ NOCTURNES The lyricism, nonchalant sensuality and refined poetry of the early nocturnes, or the simplicity, austerity and profundity of the later ones: which do you prefer as a performer? I love them all, but what I like most is to play them in succession, to view them as a cycle. They tell the story of a journey, the progress of an inner life. And yet each of them is unique. Although I’m particularly attached to the later works, which don’t have the seductive appeal of the earlier ones, the Third and the Fourth are my Proustian madeleines. The Fourth is comforting: with its constant chiaroscuro, it exudes a sense of happiness. The Fifth, the composer’s favourite, is exceptional: people often think of it in terms of its suavity and charm, but it also contains the heartbreaking bitterness which heralds the Thirteenth. It has that disarming strangeness, that elusive poetry which characterises the typically Faurean sense of being caught somewhere in between, and breathes the troubling sensuality also found in the Sixth and Eighth. Its fiery central section is the most virtuosic passage in the nocturnes. As for the Sixth, it is extraordinary for the mastery and originality of its writing and for its balance.

What is so original about this Sixth Nocturne, and what’s your approach to it? It’s trompe-l’œil music, music that doesn’t respect the laws of gravity. It gives the illusion of weightlessness. The textures are held together as if by magic, blending together in such a way that you can’t separate them. The triple-time passage is heard as if it were in duple time. Rhythmic and harmonic markers are disrupted and disturbed: the first beats of the bar are evasive, notions of strong and weak beats vanish, angles are blurred, ‘the imprecise passes its stump2 over the precise’ as Jankélévitch so aptly put it! The initial melody, which doesn’t begin on a strong beat, is like a long, suspended thread. To support this music and unify its various sequences, I opted to follow the composer’s tempo markings as closely as possible. Further on, the dreamy semiquaver passage in the treble calls for a fast tempo, with the ‘levitating’ upper melodic line supported by a half-pedal. When the initial theme reappears in the coda, the impression of suspension returns. This Sixth Nocturne is a masterpiece. I can’t resist recounting the anecdote attached to it: when a lady asked him in which splendid landscape he had found the inspiration for it, Fauré replied ‘in the Simplon Tunnel’! 27 THÉO FOUCHENNERET

28 FAURÉ ∙ NOCTURNES A trait of humour and humility that was typical of his personality. But it was also his way of saying that his music is not evocative, unlike Debussy’s . . . In that respect, it’s comparable to J. S. Bach: it is pure music. Like Bach’s polyphony, it is intended to be read as much as to be played. Nor is it designed for big, brightly lit concert halls. Bach means ‘brook’ in German. In Fauré’s music, as in Bach’s, you get that idea of flow, of musical continuity. It contains few silences, yet it calls out so insistently for silence! With its rivers of semiquavers, its lines and its counterpoint, it is conceived horizontally. Its harmonic oddities often arise from chance encounters between melodic lines. Unexpected colours then emerge, crystallising its highly individual harmony.

How do you approach this typically Faurean flow? What is its ultimate destination? It’s a very idiosyncratic flow: Fauré often blurs the metre, dilutes phrases, goes over the bar line as if he wanted to abolish it. You always have to go along with the current, whether it tends towards fluidity, passion, struggle or calm. Fauré’s time is not mathematical; the performer can get lost in it. I felt it was important always to sustain the intensity of the melodic line, the tension contained in the phrases, which is all the greater when they’re slow and piano. The sudden flare-ups that follow set that tension free, provoking a rush of oxygen. You want to stay at the level of these peaks, but you have to come back down and find the peace and quiet that most of the codas bring. Fauré has an incomparable gift for rounding off his pieces, whether in the incandescence of no.9, which ends in an apotheosis like the mélodie ‘Avant que tu t’en ailles’ from La Bonne Chanson, in the sublime coda that closes no.12, or in the poignant drama and the final sigh at the conclusion of the Thirteenth Nocturne, whose coda surpasses all the others, in my view. 1. ‘A vast and tender calm’: a line from Verlaine’s poem ‘L’Heure exquise’, set by Fauré in his song cycle La Bonne Chanson. The phrase is used by Vladimir Jankélévitch in Le Nocturne (Paris: Albin Michel, 1957). The other references to Jankélévitch come from Fauré et l’inexprimable (Paris: Plon, 1974). (Translator's note) 2. An implement used by artists to smudge charcoal or pencil marks. (Translator's note) 29 THÉO FOUCHENNERET

31 THÉO FOUCHENNERET Théo Fouchenneret: The poet-bird Music is Théo Fouchenneret’s language, the means of communication that comes spontaneously to him when he wants to talk about himself or about life. Indeed, his brother Pierre says he is a bird. This born musician can sometimes be silent when the mood takes him, forsaking his piano for a while. Not that his mind is then occupied by any material contingency, any thought: it is the music that haunts him, continues to live inside him, ready to burst forth as soon as he returns to the keyboard, when it has blossomed, nourished by the good things in life.

Very early in life, he forged a close rapport with his violinist brother Pierre, nine years his senior: the two children were agreed on introducing classical music into the family circle, which vibrated to the rhythms of rock and jazz. Théo started out on the violin too, but, admiring his brother’s talent, he soon set his sights on just one goal: to perform with Pierre. And what better way of achieving this than to learn the piano? The very first duets they played together gave birth to his passion for the music of Fauré. A few years later, he won First Prize at the Gabriel Fauré International Competition in Pamiers. He has held his course, right from his early lessons at the Nice Conservatoire with Christine Gastaud. This demanding and passionate teacher armed him with solid principles that he still bears in mind today: cherish each note, leave one note only reluctantly for the next, tell stories, keep the flame alive . . . A year with Hortense Cartier-Bresson opened the doors of the Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, from which he graduated when still very young. Then he went straight to the heart of the matter. There was no point in collecting competition wins. Two would suffice, and were duly selected: the Lyon International Chamber Music Competition and, the same year, the Geneva Competition. Two First Prizes and five Special Prizes for chamber music: Théo could now devote himself to other things. 32 FAURÉ ∙ NOCTURNES

33 THÉO FOUCHENNERET After pocketing an award at the Victoires de la Musique Classique the following year, he was already giving more and more recitals, and a project was born: a first CD for La Dolce Volta of Beethoven’s ‘Waldstein’ and ‘Hammerklavier’ Sonatas. Although he felt these musical monuments should not wait until one was great in years, he knows that sometimes you do have to give music time to mature. His thirst for repertoire must be tempered by his insistence that his work should always reach the highest standards. Then Fauré’s Nocturnes, in their turn, reached the recording studio after a long incubation period. And now Théo looks to the future: Mendelssohn, and Schubert a little later . . . One day, perhaps, he will record Bach, whose organ works he admires: going back in time to reach the source of the music he plays today and, following in the footsteps of Murray Perahia and András Schiff, to find clarity of discourse and sound, purity of emotion in the tranquil expressivity of counterpoint. Ever since his early experiences at home, chamber music, with its promise of enriching encounters and multiple projects, has occupied a constant place in his artistic existence From Beethoven to Stravinsky, from duos to quintets, he has so much music in his repertoire! It is to Robert Schumann that he has chosen to devote his first survey of a composer’s chamber music, launched with a recording of the complete works for violin and piano alongside his brother. Béla Bartók also figures in his pantheon: Hortense Cartier-Bresson passed on to him her fascination for this music, the variety of its emotions, the strength of its architecture. In concert, the Sonata for Two Pianos and Percussion is always an exhilarating adventure. How about recording it? ‘A dream! But you have to be patient with this work.’ For Théo Fouchenneret, some works should be laid down, like the best vintage wines.

Zwei Komponisten haben Nocturnes für Klavier ihren Glanz verliehen: Frédéric Chopin und ein halbes Jahrhundert später Gabriel Fauré. Die von John Field ersonnene Musikform beschwört die bei den Romantikern beliebte nächtliche Stimmung herauf. Als der Komponist von Clair de lune und Diane, Séléné sich ihrer annahm, entfernte sie sich jedoch von dieser Konnotation und ließ der poetischen Fantasie freien Lauf. Faurés Nocturnes offenbaren sich dennoch nicht unverhüllt, sondern wirken aufwühlend und traumhaft. Von den ersten Nocturnes mit unsäglichem Charme bis zu den späteren düsteren, schmucklosen und oft von Leidenschaft durchzogenen – ihr aller Zweck ist nur die „unsägliche, milde Besänftigung“* gleich der abendlichen Ruhe. Théo Fouchenneret eröffnet uns die Tiefe und Erlesenheit ihrer Welt.

35 THÉO FOUCHENNERET Vor 100 Jahren starb Gabriel Fauré. Und da wären wir nun im Jahr 2024, einem Gedenkjahr. Inwiefern ist dies für Sie von Bedeutung? Théo Fouchenneret: Gabriel Faurés Musik weckte meine ersten musikalischen Emotionen und meine ersten Wünsche als Interpret. In meiner Kindheit träumte ich davon, seine Melodien mit meinem großen Bruder, dem Geiger Pierre Fouchenneret, zu entschlüsseln. Ich begann sehr früh mit der Arbeit an den Nocturnes. Die Dritte stand auf dem Programm meines allerersten Pariser Konzerts. Ich war so verrückt nach seiner Musik, dass ich mit 17 beschloss, am Concours International Gabriel Fauré von Pamiers, seinem Geburtsort, teilzunehmen. Dort kürte mich eine Jury unter dem Vorsitz von Jean-Philippe Collard, einem großen Interpreten des Komponisten, zum Sieger. Die Aufgaben des Wettbewerbs gaben mir die außerordentliche Chance, meiner Leidenschaft für Faurés Musik nachzugehen. Das Gedenken an seinen Todestag dieses Jahr ist eine neue Gelegenheit, die ich um nichts auf der Welt hätte verpassen wollen!

36 FAURÉ ∙ NOCTURNES Ihre erste Solo-Platte war Beethoven gewidmet. Warum nicht gleich Fauré? Ich fühle mich auch tief mit Beethovens Musik verbunden. Sie ist strukturierter, klarer und direkter im Ausdruck und schien mir für eine erste Platte geeigneter. Faurés Musik, in der nichts wirklich aufgelöst wird, ist da ganz anders. Sie steckt voller Paradoxe. Der Komponist hält darin eine Art Zweideutigkeit aufrecht. Sie erfordert eine lange Reifung, verlangt eine besondere Temporalität, in die der Interpret eintauchen muss, um seine Sicht festzuhalten. Eben dieses Ungreifbare stellt uns beim Einspielen vor Herausforderungen. Wie würden Sie die Paradoxe definieren? Es fällt mir schwer, Faurés Musik in Worte zu fassen. Für Vladimir Jankélévitch richtet sie sich ans Ohr und ist keine räumliche Kalligrafie. Ich spüre sie eher. Das Geflecht der Linien, die immensen Phrasen bieten eine Vielzahl an Wegen. Im Moment, in dem ich sie spiele oder in dem man sie hört, nimmt man die möglichen Pfade wahr. Der Komponist scheint uns vor eine Wahl zu stellen, doch in Wirklichkeit hat er bereits eine Richtung festgelegt und führt uns auf einen unvorhersehbaren Weg. Genau das macht süchtig nach seiner Musik! Das Paradox, das Harmonie und Melodie eng miteinander verbindet, liegt seinem Ausdruck zugrunde. Man ist der Held dieser Musik!

37 THÉO FOUCHENNERET Der Held? Die Musik schickt den Interpreten auf eine Reise der Selbstfindung. Der Weg auf der Suche nach Faurés Ziel kann sehr lang sein. Sein Stil erinnert mich an Marcel Prousts. In seiner Verschlungenheit verliert man den Boden unter den Füßen und denkt in der ersten Person, als entspränge die Musik unserem eigenen Geist, unseren eigenen Gedanken. Préludes, Impromptus, Barcarolles, Nocturnes… War Chopin Faurés Vorbild? Die Titel seiner Klavierwerke suggerieren dies, die Wahrheit ist aber eine andere. Fauré maß Titeln wenig Bedeutung zu, und, wie sein Sohn Philippe Fauré-Fremiet erzählte, wäre ihm eine neutrale Nummerierung der Stücke lieber gewesen, wodurch er sich eher Schumanns Klavierstücken als Chopin annäherte. Titel nach Musikform wie die Nocturne wurden oft auf Forderung seiner Verleger festgelegt, die zur Überzeugung der Käufer eine poetisch und romantisch klingende Formulierung wünschten. So ergriff sein erster Verleger Julien Hamelle zum Beispiel die Initiative, das letzte Stück von Pièces brèves op. 84 in Achte Nocturne umzutaufen.

38 FAURÉ ∙ NOCTURNES Inwiefern entspringen diese großteils am Ende des 19. Jahrhunderts komponierten Nocturnes der Romantik? In einigen Nocturnes trifft man auf eine Fingerfertigkeit, die Chopins ähnelt. Ich denke an die ersten, aber auch an die romantischen Reminiszenzen im Mittelteil der Fünften Nocturne und an den lyrischen Elan der Passage „Allegro“ der Siebten. Allerdings ist meiner Meinung nach der deutsche Einfluss, jener Schumanns, hörbarer. Erinnert die Zweier-Dreier-Ambivalenz zu Beginn der Sechsten Nocturne nicht an Schumanns Stil? Ebenso die wiederholte Verwendung der Synkope und des Kontrapunkts! Fauré und Schumann haben die Fähigkeit, mich die Zeit vergessen und einen Moment lang stillstehen zu lassen. Gabriel Fauré komponierte die Nocturnes über knapp ein halbes Jahrhundert hinweg. Sie durchzogen seine Jugend, dann seine Reifezeit und schlussendlich sein hohes Alter. Die Erste entstand 1875; die Dreizehnte, sein letztes Klavierstück, 1921. Im selben Zeitraum schrieb er seine 13 Barcarolles. Besteht eine Verbindung zwischen diesen Werken? Die Nocturnes und die Barcarolles können wie Zweigespanne wirken. Die Komposition einer Barkarole folgte oft auf die einer Nocturne oder umgekehrt. Allerdings unterscheiden sich beide Musikformen kaum. Die Erste Barcarolle hätte den Titel Nocturne tragen können, und die Zwölfte Nocturne hätte mit dem wiegenden Rhythmus ihres Dreiertakts einen Platz unter den Barcarolles verdient, ebenso wie die Vierte.

Welche Entwicklungen in Stil und Ausdruck zeigen sie auf? In der Musikgeschichte ist Faurés stilistische Entwicklung eine der schönsten, die ich kenne. In ihren Halbtönen bergen die ersten Nocturnes Charme, Verführung und Lieblichkeit, von denen Fauré später zugunsten der Askese, Reinheit und Strenge, aber auch der extremen Dichte der letzten Nocturnes Abstand nahm. Zwischen der Fünften und der Sechsten Nocturne vergingen zehn Jahre ohne Komposition für Klavier solo. Die Sechste und Siebte Nocturne stehen am Scheideweg und eröffnen andere, strengere und dunklere Perspektiven. Was begründet diese Entwicklung Ihres Erachtens? Hauptsächlich Faurés Taubheit, die 1902, dem Entstehungsjahr der Achten Nocturne, auftauchte und sich mit der Zeit nur verschlimmerte. Fauré hörte sehr hohe und niedrige Frequenzen nicht mehr korrekt. Den Beginn der Dreizehnten Nocturne komponierte er in einem sehr engen mittleren Register, das sich fast auf eine Oktave beschränkt. Der Stil ist ähnlich kompakt wie jener des Streichquartetts. Zwar ist Faurés Musik in ihrer Zurückhaltung ausweichend und lässt oft ein undefinierbares Gefühl zurück, doch die Verzweiflung gewinnt in der Neunten Nocturne die Oberhand über das Unausdrückliche und kreuzt auch in der Zehnten Nocturne auf, die ihre Lyrik und ihren Fluss verliert, sich in ihrer Langsamkeit und manchmal im Kampf entwickelt. Auch der Erste Weltkrieg warf seinen Schatten über die drei letzten Nocturnes. 39 THÉO FOUCHENNERET

40 FAURÉ ∙ NOCTURNES Als solche ist die Elfte Nocturne höchst besonders… Ihr Ton ist wehmütig. Fauré widmete sie dem Gedenken an die zu früh verstorbene Noémi Lalo, der jungen Ehefrau des Kritikers Pierre Lalo. Die ungewöhnliche Tonart verleiht dem Stück seine tragische Färbung. Der nüchterne, feierliche Stil macht Platz für Stille und offenbart eine intensive unterdrückte Emotion. Gehen wir einen Schritt zurück zur Siebten Nocturne in der düsteren Tonart cisMoll, welche die künftige Nüchternheit anzukündigen scheint. Sie ist quasi ein Trauerstück. Der schmerzerfüllte Rhythmus des Anfangs erinnert mich an einen Trauerzug. Sie ist wenig melodisch und von Resignation, dann Wut und großem Kummer durchzogen. Nach einer der Romantik entlehnten lyrischen Episode hebt sich die düstere und bedrückende Stimmung in der Coda durch die Magie der enharmonischen Verwechslung. Dies ist eine für Fauré typische Vorgehensweise: Die Tonart cis-Moll verwandelt sich in Des-Dur, und durch diesen genialen Trick geht die Strenge in Sanftheit und Trost über.

41 THÉO FOUCHENNERET Des-Dur: Faurés Nocturne-Tonart schlechthin! Sie ist auch die Tonart der Sechsten und Achten Nocturne! Innerhalb dieser Kontinuität findet die Achte aus den Pièces brèves einen perfekten Platz. Durch ihren Fluss, ihre Schlichtheit und ihr Wiegen gleich einer Barkarole sorgt sie für eine wohltuende Atempause nach der Siebten und verbindet sich wunderbar mit der Nachbartonart der Neunten. Die Tonart Des-Dur ist jene des Fauré’schen Dämmerlichts. Der Komponist verwandte b-Tonarten, um den meisten seiner ersten Nocturnes dieses besondere Leuchten zu verleihen. Die Zweite Nocturne H-Dur bildet dabei eine Ausnahme: Ihr karger Mittelteil in Form einer Toccata kontrastiert mit ihrem Anfang und ihrem Ende von strahlender Klarheit. Ihre Form lässt jene der großen kommenden Nocturnes erahnen. Ab der Neunten Nocturne verdüstert sich die Stimmung, ändert sich radikal, diesmal in Moll- und KreuzTonarten.

42 FAURÉ ∙ NOCTURNES Die Lyrik, ungezwungene Sinnlichkeit und raffinierte Poesie der ersten Nocturnes oder die Schmucklosigkeit, Strenge und Tiefe der letzten: Welche bevorzugen Sie als Interpret? Ich mag sie alle. Vor allem spiele ich sie gern in ihrer Reihenfolge und betrachte sie als Zyklus. Sie beschreiben eine Reise, die Entfaltung eines Innenlebens. Dennoch ist jede von ihnen einzigartig. Ich hänge besonders an den letzten, die nicht so verlockend wie die ersten sind; die Dritte und Vierte rufen Bewegendes in mir wach. Die Vierte ist tröstend: Im Halbdunkel strahlt sie ein Glücksgefühl aus. Die Fünfte war der Favorit des Komponisten und ist außergewöhnlich: Man betrachtet oft ihre Sanftheit und ihren Charme, obwohl sie auch die schmerzliche Strenge enthält, die der Dreizehnten vorgreift. Sie weist eine entwaffnende Merkwürdigkeit und eine ausweichende Poesie auf, die typisch für Faurés Ambivalenz sind, und strömt eine aufregende Sinnlichkeit aus, welche auch in der Sechsten und Achten zu finden ist. Der glühende Mittelteil ist die virtuoseste Passage der Nocturnes. Die Sechste hebt sich durch die besondere Beherrschung und Originalität ihres Stils sowie ihre Ausgewogenheit ab.

Inwiefern ist die Sechste Nocturne originell, und wie gehen Sie sie an? Die Musik täuscht. Sie kennt keine Schwerkraft und gibt Schwerelosigkeit vor. Die Klangebenen halten sich untereinander wie durch Magie aufrecht und vermischen sich untrennbar. Die Passage im Dreiertakt klingt wie ein Zweiertakt. Die rhythmischen und harmonischen Orientierungspunkte sind gestört, verwischt: Die ersten Taktzeiten verbergen sich, das Konzept der betonten und unbetonten Zählzeit verschwindet, die Kanten verschwimmen, „das Ungenaue verwischt das Genaue“, wie Jankélévitch goldrichtig sagte! Die ursprüngliche Melodie, die nicht mit einer betonten Zählzeit beginnt, ist wie ein langer, hängender Draht. Um die Musik zu unterstützen und ihre verschiedenen Sequenzen vereinen zu können, habe ich beschlossen, mich möglichst nah an die Tempoangaben des Komponisten zu halten. Auch die spätere traumhaft anmutende Sechzehntelnoten-Passage auf den hohen Tasten fordert ein schnelles Tempo, wobei die obere, „schwebende“ Melodielinie von einem Halbpedal unterstützt wird. Als das anfängliche Thema in der Coda wiederauftaucht, empfindet man erneut dieses Gefühl des Stillstands. Die Sechste Nocturne ist ein Meisterwerk. Ich komme nicht umhin, die mit ihr verbundene Anekdote zu erzählen: Als eine Frau Fauré fragte, in welcher fantastischen Landschaft er die Inspiration dafür gefunden hatte, antwortete er: „im Simplontunnel“! 43 THÉO FOUCHENNERET

44 FAURÉ ∙ NOCTURNES Diese Prise Humor und Bescheidenheit beschreibt seine Persönlichkeit gut. Aber damit verdeutlichte er auch, dass seine Musik im Gegensatz zu Debussys nicht anschaulich ist. Dahingehend ist sie mit Johann Sebastian Bachs Musik vergleichbar. Es ist reine Musik. Wie seine Polyfonie ist sie ebenso zum Lesen wie zum Spielen da. Sie ist auch nicht für große, hell beleuchtete Bühnen gedacht. Bachs Name ist hier sehr passend, denn wie in den Werken des Thomaskantors fließt auch bei Fauré die musikalische Kontinuität. Die Musik enthält wenige Augenblicke der Stille, fordert jedoch Stille ein! Mit ihren Flüssen aus Sechzehntelnoten, ihren Linien, ihrem Kontrapunkt ist sie horizontal gedacht. Ihre harmonischen Merkwürdigkeiten entspringen oft Zufallstreffen der melodischen Linien. Daraus ergeben sich unerwartete Farben, welche eine höchst besondere Harmonie bilden.

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