5 DANA CIOCARLIE Chère Dana, disons-le tout de suite, nous sommes cousines germaines et complices à plus d’un titre – tu fais de la musique et moi, j’écris ; tu es née à Bucarest, moi à Timișoara ; tu vis à Paris, moi à Luxembourg. Nous sommes toutes les deux de drôles d’oiseaux, car nous avons reçu en héritage ce même nom, Ciocârlie, à peu près imprononçable, qui signifie en roumain « alouette ». Pour ma part, dès que j’ai quitté la Roumanie, j’ai compris que j’allais devoir le détourner d’une manière ou d’une autre de la rengaine « gentille alouette, je te plumerai », qui surgissait invariablement, juste après les présentations ou bien au détour d’une conversation. J’ai donc intitulé mon premier livre écrit en français Un miroir aux alouettes. Petit dictionnaire de la pensée nomade. Toi, jusquelà, tu n’avais pas vraiment ressenti le besoin d’explorer ce filon onomastique, d’interpréter à ta manière ton rôle d’oiseau qui chante en plein vol. Maintenant, avec l’album Ciocârlia, c’est chose faite. Corina Mersch (Corina Ciocârlie) Oui, l’idée m’en est venue d’un coup, je me suis rendu compte que notre nom de famille était tout un symbole roumain, j’étais un « oiseau chanteur volant haut » et pourtant, je n’avais jamais capitalisé sur cette coïncidence, ou ce signe du destin, alors que j’avais peut-être une vocation, une voix à donner à la musique roumaine. Bon, j’avais déjà enregistré il y a quelque temps un disque en guise de portrait sonore de la Roumanie, mais c’était nettement moins ambitieux. Cette fois-ci, j’ai eu envie de convoquer notre totem, l’alouette, et de la faire voyager à travers le pays, de la Dobroudja jusqu’à la Transylvanie, tout en essayant d’imaginer ce qu’elle pouvait bien entendre en survolant ces contrées. Je l’ai laissée glaner des musiques évoquant des paysages très divers, je lui ai fait esquisser des portraits de paysans, mais aussi de citadins, d’artistes, etc.
RkJQdWJsaXNoZXIy OTAwOTQx