LDV124

12 CIOCÂRLIA Est-ce que tu réalises une sorte de fondu enchaîné pour atténuer le contraste entre les différents registres, ou bien tu l’accentues, grâce à la façon dont tu juxtaposes les morceaux ? Je n’ai pas eu besoin d’accentuer quoi que ce soit, parce que la plupart des musiques contiennent déjà, en elles-mêmes, le contraste entre le lent et le rapide – c’est un peu leur marque de fabrique. Prenons comme exemple les trois pièces de Paul Constantinescu, Joc, Cântec et Joc dobrogean : la première est rapide, la deuxième lente et la troisième ultra-rapide. Je les joue telles qu’elles ont été écrites dans la suite et le contraste est tout à fait naturel. En revanche, lorsque je suis allée chercher des chansons et des danses du Sud de la Roumanie, de la Moldavie, de la Transylvanie, je suis tombée sur un deuxième symbole de notre vocation spirituelle, à part l’alouette – il s’agit de la cloche, qui est aussi très présente dans la tradition roumaine, surtout du côté des monastères. Or, je n’avais pas envie d’imaginer deux volets distincts pour ces deux symboles réunis par la même force ascensionnelle, j’ai voulu les entremêler, comme s’il s’agissait d’une symbiose de la nourriture terrestre – représentée par les danses, les chants populaires – et de la nourriture céleste – symbolisée par les cloches. C’est ainsi que Ciocârlia et les Danses roumaines de Béla Bartók alternent avec les Voix de la steppe et le Carillon nocturne d’Enescu, qui sont plutôt dans le registre de l’élévation, mais aussi avec le Nocturne sur un thème moldave de Dinu Lipatti qui est un morceau inédit en enregistrement, un thème à la fois lancinant et éclaté dans l’espace, comme un portrait cubiste.

RkJQdWJsaXNoZXIy OTAwOTQx