Et donc toi, à ton tour, tu refais l’exercice. Comme George Enescu, tu couds ensemble un certain nombre de morceaux, tu refais le patchwork à ta manière. Je n’y avais pas encore pensé, mais c’est exactement cela, je couds ensemble des musiques populaires roumaines, collectées par des compositeurs ou par des ethnomusicologues, ou alors par des compositeurs qui étaient aussi des ethnomusicologues, comme Béla Bartók et Paul Constantinescu, pour esquisser un portrait sonore de la Roumanie. C’est comme si j’allais lancer dans l’espace une fusée musicale de fabrication roumaine, et qu’il me fallait décider du message à envoyer aux extraterrestres. Justement, puisque tu es aux commandes, qu’as-tu choisi d’enfermer dans cette capsule, quelle est la note de tête du pot-pourri conçu pour les extraterrestres ? Préfères-tu leur envoyer un message optimiste et enjoué, ou plutôt mélancolique et nostalgique ? L’un et l’autre. En écoutant mon disque, on entend surtout des gens qui ont envie de faire la fête, de danser, de se réunir pour se raconter des histoires – d’où ce côté espiègle et joyeux, qui donne envie de sautiller, comme si on avait des arcs sous les pieds. Il y a beaucoup de pointes d’humour, par exemple dans les morceaux de Paul Constantinescu et même dans la Rhapsodie roumaine, mais il y a aussi cette nostalgie, ce mal du pays qu’on appelle dor en roumain et que l’on retrouve dans les doïna. Cântec de Paul Constantinescu est une doïna de la région de Gorj, qui peut vous transporter et vous fendre le cœur à la fois. C’est ce côté très émotionnel que l’on retrouve dans la ballade Miorița, lorsqu’on lit dans les pensées de trois bergers symbolisant trois régions de la Roumanie, et l’on comprend que deux d’entre eux ont décidé de tuer le troisième pour s’emparer de son troupeau. 11 DANA CIOCARLIE
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