7 DANA CIOCARLIE L’alouette est donc une sorte de témoin privilégié, aux premières loges pour voir défiler la géographie et l’histoire du pays ? Dana Ciocarlie : Exactement, c’est un témoin qui communique au monde, à travers son chant, tout ce qu’il a vu, entendu et cru comprendre. Il s’agit, sans surprise, d’un univers essentiellement folklorique, voire bucolique, puisque la Roumanie est un des derniers pays d’Europe à vocation pastorale ou agricole, un pays où la relation avec la terre a toujours été très charnelle. Mais il s’agit surtout d’une Roumanie intemporelle – celle à laquelle pensait sans doute le poète Lucian Blaga en écrivant « l’éternité est née au village ». Mon album explore cette relation intime, privilégiée, entre l’oiseau, le village et l’éternité. Cela commence, forcément, par la chanson Ciocârlia qui est, avec tous ses trilles et ses imitations, un véritable exercice d’admiration – preuve, s’il en fallait, que les humains parviennent avec beaucoup d’effort à reproduire ce qu’un oiseau sait faire de façon naturelle. La leçon est la même pour le violoneux qui s’y essaie lors d’un dimanche de fête à la campagne, et pour moi qui m’attaque à une transcription pour piano de Fred Harranger. Cela dit, l’alouette n’est pas seulement en dialogue avec l’éternité, mais aussi avec le soleil. Elle a cette folie de se projeter vers l’au-delà, vers l’inconnu et le lointain, sans craindre de s’y brûler les ailes, comme Icare. Je me suis dit plus d’une fois que nous autres, oiseaux migrateurs, ne faisions guère autre chose… Ce n’est pas faux. Dans plein de cultures, dont la nôtre, l’alouette est vue comme un oiseau sacré, justement parce qu’il s’agit d’une petite chose de rien du tout, qui essaie pourtant de se rapprocher au maximum du soleil et de chanter sa gloire.
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