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9 XAVIER PHILLIPS, CÉDRIC TIBERGHIEN Vladimir Jankélévitch 1 écrit également : « L’œuvre de Fauré est départ éternel et retour infini ». Qu’en pensez-vous ? Xavier Phillips : Je trouve cela juste et très beau. La musique de Fauré est comme l’eau. Elle est une boucle perpétuelle, un flot à l’image de la rivière qui va dans le fleuve, qui va lui-même dans la mer où se forment les nuages… Son cours est parfois tumultueux, parfois serein. Sa musique est d’une stupéfiante vitalité. Elle se déploie comme une arborescence. Pour moi, l’exemple le plus frappant est le dernier mouvement de la Première Sonate : Fauré indique un tempo extrêmement lent. Nous avons tenté l’expérience de nous approcher de son indication métronomique jusqu’à la limite du possible pour que cette musique avance et demeure fluide. Nous avons baissé progressivement le tempo comme on fait descendre un rythme cardiaque. Cela nous a permis d’appréhender la nature de ce déploiement : la musique se déroule sagement, lentement, puis d’un seul coup elle s’embrase, pour finir dans un accès de passion. Cédric Tiberghien : Cette vitalité est décuplée dans ses deux sonates, écrites à plus de soixante-dix ans ! Placide au départ, leur mouvement s’anime progressivement puis soudain c’est l’incandescence. Ce feu crépitait déjà dans ses pièces plus anciennes, sa Première Sonate pour violon, son Premier Quatuor avec piano… Il y a une dichotomie entre le vieil homme moustachu tel qu’on le voit sur les photographies et son être profond, entre son apparence et ce qui n’est pas affiché.

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