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BEATRICE BERRUT 11 Ce ciel lui fait un peu penser à elle, enflammé, tellurique, mais distant. Il est vrai qu’il ne se laisse jamais distraire de son travail par des occupations qu’il juge superficielles, car le temps qu’il peut consacrer à composer est trop restreint, et il néglige beaucoup Alma, qui le lui fait bien sentir. Pourtant ses ardeurs envers elle étaient vives. Il l’a demandée en mariage le lendemain de leur rencontre ! Elle sera heureuse de me savoir heureux, pense-t-il pour rassurer sa conscience, et l’ Adagietto que j’ai esquissé tout à l’heure est un hymne à notre amour et à son abnégation. Soulagé par cette pensée, il sent la tension se dissiper dans son corps. Il s’ébroue et frotte ses mains contre les pans élimés de sa chemise. Cette encre est tenace, pense-t-il. Du pied, il charrie des brindilles tombées des arbres et observe un instant ce monde vibrant de vie. Des oiseaux s’envolent d’une branche au-dessus de lui et font tomber quelques gouttes glacées sur sa tête. Surpris, il s’essuie le front du revers de la manche et décide de faire demi-tour. Lorsque le jour disparaît, sa porte est close et il est à nouveau penché sur son œuvre, le front tendu et l’angoisse au corps.

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