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10 MAHLER ∙ SCHOENBERG / JUGENDSTIL Il repose le livre et pousse la porte de la maisonnette. À l’extérieur la terre est spongieuse et chante sous ses pas. L’air frais le fait frissonner et il serre son veston sur ses côtes en se frictionnant les bras, puis s’engage sur un petit sentier. Un drame se noue dans le ciel. Le jour est à l’agonie et les nuages, sous l’effet du soleil mourant, se sont embrasés et semblent se tordre de douleur. Ses doigts lui font un peu mal à force d’avoir tenu sa plume, et il éprouve une certaine jubilation à l’idée d’une genèse débutant avec une marche funèbre : il enterre l’ancien monde et, démiurge, bâtit le nouveau. Il n'y a pas d'appel pour les mots, tout est dit en termes purement musicaux . Cette symphonie ne laissera pas de place à la voix ni aux synopsis explicites, elle ne sera que musique. Il est frêle à l’orée de cette grande forêt où règne le silence, mais sa création le rend fort. Fort, il l’est aussi parce qu’Alma l’aime et qu’elle a accepté de s’abandonner pour lui . Il s’amuse en repensant à leur première rencontre lors d’un dîner chez Berta Zuckerkandl, qui tient un des salons les plus réputés de Vienne. Il l’avait prise pour une « poupée » de prime abord, mais rapidement sa vivacité et son intelligence l’avaient séduit. La soirée avait même connu un point d’orgue lorsque tous les invités s’étaient tus en entendant leurs cris : elle hurlait et il tapait du pied, ils se chamaillaient au sujet de Zemlinsky. Ce Zemlinsky, marmonne-t-il, puis ses pensées se perdent à nouveau dans le vague.
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