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PHILIPPE BIANCONI 9 Chez Debussy, le but pédagogique ne me semble pas totalement atteint – en dehors peut-être de l’étude Pour les tierces . Je ne suis pas persuadé que l’on va réellement progresser dans la technique de sixtes ou d’octaves en travaillant ses études. Dans l’étude Pour les accords , la difficulté ne réside pas dans les accords eux- mêmes, mais dans les incessants et acrobatiques déplacements. À tel point que l’on semble souvent se détourner de l’objectif visé, comme si les Études présupposaient chez l’interprète la maîtrise des difficultés qu’elles prétendent aider à surmonter. Et les réelles difficultés résident finalement souvent ailleurs : dans des positions très incommodes et des formules perverses requérant agilité, souplesse et réflexes. Et bien évidemment le dosage des timbres, des plans sonores, la variété infinie des attaques et des couleurs exigent un contrôle digital et une imagination sans limites. En fin de compte, on peut se demander si les Études ne sont pas, plus encore que des études pour le pianiste, des études compositionnelles. Je me plais à imaginer que Debussy s’est lancé à lui-même le défi de composer des pièces à partir d’un matériau élémentaire, comme un simple intervalle. Et à partir de la quarte par exemple, il compose un de ses plus extraordinaires chefs-d’œuvre. Debussy parle à son éditeur à propos de Pour les quartes de « sonorités spéciales », de « non- entendu ». Et l’on s’émerveille en effet de la variété infinie de sonorités nouvelles, de la forme d’une absolue liberté, et de l’imagination sans limite de cette pièce d’une étonnante modernité et d’une poésie étrange et hypnotique.

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