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PHILIPPE BIANCONI 11 Pourquoi avoir enregistré des transcriptions par André Caplet du Martyre de saint Sébastien ? Est-ce pour proposer une autre image de Debussy, mystique et esthétique à la fois, de ces pages un peu wagnériennes où il voyait lui-même la « renaissance d’une musique liturgique » ?... Ayant déjà enregistré ce qui, à mon sens, constitue le plus précieux de Debussy, je n’imaginais pas coupler les Études avec des œuvres trop anciennes, dont le langage un peu « daté » aurait pâti de la proximité avec ce chef-d’œuvre de la modernité. J’ai songé aux transcriptions du Martyre afin de compléter le programme avec une œuvre déjà tardive, plus proche chronologiquement des Études , mais en effet d’une esthétiquetotalementdifférenteetnouvellechezDebussy.Onpeuts’étonnerdeson enthousiasme pour un sujet religieux, mais ce sentiment semble avoir été profond et sincère. Son inspiration trouve soudain une dimension mystique insoupçonnée. Son admiration jamais démentie pour Parsifal , même au plus fort de ses diatribes contre Wagner, n’est probablement pas étrangère à ce désir soudain, stimulé par une commande, de pénétrer à son tour dans un domaine jusque-là inexploré. Pour Le Martyre , Debussy compose quelques-unes de ses pages les plus hautes, dont certaines ont été transcrites par Caplet. Le Prélude , La Cour des Lys est d’une austère et saisissante beauté, avec ses accords parfaits parallèles (assez proches du prélude Canope , quasiment contemporain). La force de suggestion de La Chambre magique , avec ses sonorités et ses harmonies envoûtantes, est incomparable. Avec La Passion , Debussy nous livreunede ses pages les plus tragiques, dont le chromatisme sombre et tourmenté n’est pas sans évoquer (surtout dans la transcription pour piano) certaines pages du dernier Liszt.
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